Gallimard, 2009
120 p
L’état quasi extatique, ce vide d’une extrême densité, qui m’avait transi juste après qu’on m’eut annoncé que j’avais un cancer, aura été la plus surprenante étape de mon aventure.
Aucun état amoureux, aucun événement, aucun autre voyage ne m’a donné à vivre cet exotisme engendré par l’effroi de me savoir condamné : un exotisme qui rejette aux confins de toute singularité, sous la menace, au bord du morcellement.
De quoi exactement avais-je fait l’expérience ? Je suis bien en peine de le dire. La peur, la volonté, tout désir étaient suspendus ; je subissais un vide qui m’emplissait totalement. Puisque je n’étais pas mort, je devais appartenir à la communauté des deux fois nés…
Rescapé du naufrage par René de Ceccatty (Le Monde, 3 juillet 2009)
Le récit implacable et troublant d’un médecin atteint par le cancer. Il lit Fritz Zorn et Primo Levi, pour mieux se comprendre et se donner du courage. Il se sait dans les cercles de l’enfer. C’est un médecin malade. « Quel sujet de roman ! », lui dit-on. Un lymphome diagnostiqué brutalement, avec le peu de précautions que prennent les médecins face à tout malade, et face à un malade médecin encore moins. Or ce n’est pas à Mars ni à Si c’est un homme que l’on pense vraiment en lisant ce beau livre, fort et lyrique, analytique et honnête, noble et cru. C’est à Conrad ou à Melville, car d’abondantes métaphores maritimes comparent cette épreuve à une lente et hasardeuse traversée, que guette le naufrage.
C’est comme un voyage. Une odyssée. Une de ces épopées à hauts risques, intenses, lointaines, exaltantes, d’où l’on n’est pas certain de revenir. Une aventure intérieure qui n’est pas sans évoquer la quête mystique, sa pureté, ses beautés, ses dangers. «J’allais avoir trente-cinq ans lorsqu’on a découvert que j’étais atteint d’un cancer » : sur ces mots s’ouvre ce récit, tout ensemble cérébral et sensible… L’expérience de la maladie devient une expérience du mal, et c’est Primo Levi – parfois aussi Dante, entre les lignes – que le narrateur choisit pour interlocuteur, dans ce processus bouleversant et sans complaisance, où le désespoir le dispute à la fièvre, où l’impuissance mène peut-être à la consolation.