Galerie Zürcher, 2009
Peut-être faut-il regarder les œuvres d’Alix Le Méléder comme l’état d’un corps qui viendrait à la conscience et accomplirait en elle ce savoir qui ne sait rien. On dirait une peau, pense-t-on, une peau marquée par quatre grands stigmates : énigmatique résultat d’un supplice, de quelque écartèlement, d’un processus organique transformant ce qui serait l’être même.
De toiles en toiles, les taches perdent cependant leur air de douleur pour se muer en corps mouvants et découvrent le vertige de l’être en surplomb venant d’assister à son propre éclatement – après la catastrophe, quand on s’est survécu. Elles ralentissent leur tournoiement et de leur équilibre se dégagent autant de « visages », en arrêt ou frémissants, issus de ce calme d’après l’effroi. Et il se peut que soit à l’œuvre dans le travail d’Alix Le Méléder l’exploration graduelle de quelque présence au fond de l’abîme. Comme si tout moment créait son ange particulier.
Processus qui, par la peinture, fait advenir l’innombrable de l’être, son intime multitude, et peut ensuite se retirer – quatre, trois, deux, un – jusqu’à cette essence du visage que serait la conscience sans objet, lorsqu’on se sent échapper au temps.
C’est accompli, se dit-on devant les œuvres les plus minimales, on ne sait pas bien quoi, sinon une plénitude qui ne serait plus accident ni conséquence de la violence extrême de devenir, mais état de haut calme.
Ayant fulguré et bouleversé l’informe, ce je ne sais quoi à l’œuvre peut dès lors s’y résoudre au bord de disparaître, comme un être sauvage lentement apprivoisé à lui-même, et qui s’en retourne à la forêt.