Supposons que vous soyez enfermé une nuit dans une grotte, la crypte d’une église, les réserves d’un musée ou que vous soyez acculé à une de ces impasses existentielles quand on ne contrôle rien ; supposons que ce soit un jeu de dupes, et que ce qui était jeu devienne souricière : déballer sa boîte à trésors est alors bien utile. Non pour en faire l’inventaire comme autrefois, quand on vérifiait que tout était là ou qu’on cherchait une place pour le nouveau venu, caillou graine insecte mousse ou lichen, mais pour se tenir à ce qu’on croit posséder, et de très près, afin que tout ne se mette pas à se disloquer en même temps, que la vague qui monte en soi et autour de soi ne détruise pas ça aussi.Un inventaire qui ne ferait aucun compte : seulement pour garder la foi.Y aurait-il des nuits qui nous fondent et forcent à devenir des êtres humains ? Des nuits qui font comprendre qu’on est en train de se compléter ? Je n’en suis pas sûr. Même si, peut-être, à y repenser, on pourrait croire qu’il y aura eu des heures où tout aura été donné et impénétrable, où on aura vu passer, comme le chevalier, la lance qui saigne et la coupe, et où, se voyant offrir sans s’en douter un bijou redoutable, qui nous marquera de son sceau, on n’aura osé rien dire, rien voir, rien savoir. Des nuits qu’on cherchera longtemps à éclairer, en vain – jusqu’à ce qu’intervienne le hasard.
Gallimard, 2012
Prix Amic de l'Académie française
Ce livre vient d’un muséum intime et buissonnier, c’est-à-dire d’une boîte à trésors, d’où surgiront notamment un rat musqué, un cygne noir, un réalisateur tchèque un peu sadique, des yeux de verre, des modèles d’invertébrés, un bateau-lumière, des poulpes brandis sur des harpons, des girelles et bogues scintillantes, une invasion de mouches, la charogne d’une baleine, un grand artiste allemand, une meute de poètes, des bouleaux et des brumes, un paléontologue mystique, un carabin pris de vertige métaphysique, un neurobiologiste athée, l’ombre d’un entomologiste méridional, des parents terribles, une panthère en cage, des scarabées et quelques orthoptères, un fœtus, une momie de cigale, un pyromane imaginaire, et d’autres bijoux minuscules.
Les divorces de la vie par Gérard Guégan (Sud Ouest, 25 mars 2012)
Dans « Le Dedans des choses », le troisième livre de Patrick Autréaux, homme de sciences qui ne s’est jamais défait de son goût pour la poésie, tout est remarquable. Mais certaines pages l’emportent sur d’autres. Telles celles consacrées à l’évocation des étés de l’adolescence en Provence ou des premiers cours de biologie à la faculté de médecine. On est alors saisi par la beauté des images aussi bien que par leur précision clinique. Sur les brisées de Julien Gracq et de Francis Ponge, mais aussi sur celles de Jean-Henri Fabre l’entomologiste, Autréaux s’attache, passé l’écorce des sentiments et des objets, à saisir l’infiniment secret. L’infiniment poignant…
Notes bibliographiques (avril 2012)
Dans une narration lumineuse mêlant introspection, érudition, intérêt pour les sciences naturelles, l’écrivain livre ce court récit biographique proche de Soigner (NB décembre 2010). Il procède souvent par listes, convoque Dürer, Saint-John Perse, Jean-Henri Fabre, Teilhard de Chardin… Un style brillant et clair, aux mots choisis, élégants, dit la fragilité et les souffrances d’un homme sensible et exigeant. Jamais satisfait par l’apparence des choses, il veut en déchiffrer le « dedans » et nous y entraîne d’une plume infiniment talentueuse.
2012
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2017