… La tempête s’est renforcée d’heure en heure. L’image satellite passe en boucle sur les chaînes. Elle est explicite. Nuages et vents se sont enroulés autour d’une turbine géante.
Une force aveugle s’est donné à elle-même un œil, qui regarde fixement. Des cernes l’auréolent déjà.
On nous serine qu’il faut se préparer à subir une des plus grandes menaces des dernières années. À la télé, vue de l’espace, cette taie de nuages tourne lentement.
Pourquoi s’effrayer ?
Si elles inondent, saccagent, tuent, si elles révèlent des choses restées secrètes, ces vastes tempêtes ne sont-elles pas dénuées d’intention ?
Celle-ci me bouleversera moins que le fantôme dont je n’ai parlé à personne.
Seul le vieil arbre devant les fenêtres de ma chambre aura été jusqu’ici mon confident.
Une turbulence d’une nature bien différente s’est formée en moi. Depuis des mois, presque chaque nuit, j’ai affaire à son œil terrible.
Après tout, qu’est-ce qu’un cyclone, sinon une immense tristesse qui n’arrive pas à se dire ?…
Verdier, 2016
Un cyclone arrive sur la ville.
Enfermé chez lui, le narrateur regarde par la fenêtre le vent, la pluie malmener les maisons et les arbres. Soudain, il se rend compte que le vieil orme devant chez lui, auquel il se confie depuis longtemps, est menacé. Commence alors une plongée intérieure allant de l’incertitude à la terreur, au bord du vertige vers un recommencement.
Des combats contre la mort par Christophe Kantcheff (Politis, 18 févrer 2016)
Le Grand Vivant, « poème debout », met en scène les derniers instants d’un grand-père aimé. Qui, jusque dans son dernier
souffle, a abrité la présence de sa défunte femme et faisait figure de protecteur aux yeux de son petit-fils. Mais cet homme à la solidité éprouvée, qui pouvait paraître au garçonnet si indestructible, trouve ici sa métaphore à travers un orme en butte à un ouragan. Alors l’élan
de protection s’inverse. À celui qui sauve des mauvais rêves en les « mangeant », le narrateur se doit d’éviter la destruction : « De son faîte à ses racines, j’enroule des bandes imaginaires autour de l’arbre. Je panse les longues branches, le tronc, tout le houppier. » C’est à un combat contre la mort qu’invite Le Grand Vivant, magnifique et toujours incertain.
Fenêtres ouvertes sur huis clos par Avril Ventura (Le Monde des livres, 25 février 2016)
Ici, ce ne sont pas les esprits de la nature qui menacent mais ceux qui hantent nos âmes. Le Grand Vivant est un texte sur ce qui nous habite, sur ce que l’on porte en soi de noirceur, de doute, de crainte, mais aussi sur notre capacité de rédemption. Les hommes et les choses n’y sont jamais ce qu’ils semblent être, ne valent pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils cachent, ce qu’ils abritent. Tout un monde en somme, un peu du monde lui-même. Car le « pire », la véritable désolation, c’est finalement quand les choses ne sont plus habitées, quand « une feuille, un arbre, ne sont que feuille ou arbre ». Lorsqu’il n’y a plus de lien invisible entre elles et les êtres, lorsque nous est retirée la possibilité de projeter notre chagrin sur l’écran du monde.
2018
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