Château de Tours, 2020
Alix Le Méléder. Peintures. Château de Tours (en partenariat avec le Jeu de Paume). 28 août – 15 novembre 2020
Qu’est-ce qui se manifeste si intensément dans le travail d’Alix Le Méléder qu’il puisse émouvoir au point d’effrayer, de faire reculer ? Vers où nous entraîne-t-elle qu’on réagisse si violemment, qu’on soit fasciné ou qu’on s’enfuie ?
Cette œuvre requiert notre abandon ; qu’on accepte le risque de se laisser emporter, dériver, rejeter puis saisir. Remis de l’impression première, du choc parfois, on perçoit dans ces toiles quelque chose de lancinant. Comme la pulsation d’une douleur.
Vide et conscience. Conscience et être. Etre et douleur.
L’œuvre d’Alix Le Méléder aurait-elle l’ambition de peindre une équation matricielle où le vide enfante la présence au monde ?
Quelle concentration, quel dépouillement il faut pour parvenir dans la peinture à ces ouvertures subtiles de la conscience. On admire la hauteur que prend l’artiste ; elle impressionne : c’est que cette exigence nous concerne et réclame ; on sait qu’il est beaucoup attendu de nous, qu’on sera toujours insatisfait, que ça échappera sans cesse, que ça fera de plus en plus souffrir de ne pas tout donner. Pour qui veut écouter le chant de l’être, pour qui veut se rendre perméable à lui et le connaître de cette connaissance des mystiques et des voyants, il faut n’avoir rien à perdre. Et endosser le radicalisme des ascètes. Un détachement qui ne soit ni repoussoir ni contemption : condition du travail pour accéder à ce moment où ça se fait sans qu’on fasse rien.
Répétant une technique et une structure invariantes, l’artiste donne forme à des entités vivantes. La répétition n’est pas reproduction, rappelle Alix Le Méléder, pour qui il n’est sans doute question que de vie. Et on reste stupéfait qu’une structure si simple, si apparemment répétitive, puisse engendrer une telle diversité de personnes. Faut-il rappeler la pauvreté des éléments constitutifs du vivant et leurs infinies possibilités d’associations ? Devant ces œuvres, on est devant les représentants d’un autre peuple, moins faciles à distinguer peut-être, parce qu’on est mal accoutumés à lire les différences des visages de l’ailleurs…